photo courtesy Stephen Kilvington • www.airliners.net

Un monde sans couleurs (le camouflage - 3e partie)

Jusqu’à présent, la couleur était le thème de ce dossier, à la recherche des livrées les plus colorées qui soient. Mais aujourd’hui, force est de constater que l’évolution de cette pratique penche de plus en plus vers des teintes désaturées. En d’autres termes le gris devient la norme. Il y eut certes une phase intermédiaire où il était possible de faire la distinction entre les deux grandes familles d’appareils de combat : les chasseurs autrement appelés intercepteurs ou aujourd’hui appareils de supériorité aérienne d’une part et les appareils d’appui-feu ou d’attaque d’autre part. Les premiers se voyaient ornés de teintes correspondant au ciel choisies dans les bleus ou les gris tandis que les seconds, évoluant plus près du sol, arboraient des teintes plus contrastées parmi les marrons et les verts. Initialement, il s’agissait de deux familles d’avions conçus spécifiquement pour chacune de ces missions. Puis, ce sont les chasseurs qui se sont vus évoluer vers des missions pour lesquelles ils n’étaient pas conçus, au prix de quelques modifications - et un changement de couleurs. C'est ainsi que nombre d'appareils conçus comme de purs appareils de supériorité aérienne sont devenus des mud mover : Mirage 2000D, Su-30, F-15E… Et aujourd’hui, si la plupart des avions sont d’abord développés pour exceller dans le domaine du combat aérien, dès le départ sont intégrées des capacités d’attaque air-sol. Cette pratique a signé la mort du camouflage coloré pour voir, à de rares exceptions près, la prééminence des livrées intégralement grises. La question traitée ici est celle du cheminement qui a fini par imposer le gris à tous.

Un F-16 vu depuis son ravitailleur

Il y a un début à tout

F-16C en livrée European One
Bf 109E-3 de la 2.J/88 légion Condor – Espagne, 1939
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Livrée « wraparound » gris-bleu et vert
RLM 63 RLM 65
Les Bf 109E arrivèrent très tardivement en Espagne qui avait vu se succéder d'abord des biplans Heinkel He-51 et toutes les versions antérieures du 109. On trouva des version métalisées et donc ces versions grises, même s'il semble que les Bf109E furent envoyés en Espagne avec la livrée RLM70/71/65.
Le débat reste encore ouvert quant à ce gris. Certains estiment que l'extrados de ces appareils a pu être en RLM 02 (gris-vert) puis en RLM 62 (vert), qui est assez foncé. Le RLM 77 a été évoqué mais la teinte n'existait pas en 1936-1939. Un appareil non restauré ayant servi en Espagne, mis en vente récemment a permis de faire pencher la balance en faveur du RLM 63 sans toutefois apporter de preuves catégoriques.

Dans le monde aéronautique très coloré de l’Entre-deux-guerres, un pays choisit le gris pour ses avions, signe avant-coureur d’une pratique promise à un désespérant avenir. La Luftwaffe renaissante utilisa le gris pour faire passer ses nouveaux appareils pour des avions civils – comme quoi la couleur était alors considérée comme l’apanage des forces militaires – avec l’immatriculation idoine. Durant sa participation à la guerre d’Espagne, les appareils de la légion Condor conservèrent ce gris. Et une fois la Luftwaffe officiellement reconnue, la couleur reprit ses droits (quoique la livrée finalement appliquée à partir de 1941 ne fût qu’une combinaison de divers tons de gris). Avant de choisir ses tons de bleus, L’US Navy avait testé le vert olive pour retenir le gris (d’abord livrée intégrale en Light Gray QM 10 en 1940 puis Nonspecular Blue Grey / Nonspecular Light Grey) entre 1941 et 1943. Mais tout ceci reste exceptionnel et anecdotique. L’US Navy pousse même l’usage du bleu jusqu’à une livrée bleu nuit brillant intégrale abandonnée en 1955. Et comment aborder les années 50-60 où la question de la couleur se pose à peine, puisqu’il n’y en a aucune ? L’aluminium naturel n’est pas une couleur !

Quand la vue baisse

A-E Skyhawk du CAG de la VA-94
Douglas A-4E du CAG de la VA-94 – 1969
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Appareil du CAG de la VA-94 Mighty Shrikes, reconnaissable à sa décoration colorée et son code en 00, au cours d’un déploiement à bord de l’USS Bonhomme Richard au large du Vietnam. On peut noter que chaque appareil de l’unité portait un nom différent sur sa bosse, ici Bobbie.
Époque nostalgique pour certains, où les livrées hautes en couleurs composées de marquages de nationalité et d’unités qui occupaient beaucoup d’espace attiraient l’œil. Un comportement contradictoire avec la logique même du camouflage et de la discrétion visuelle visée par l’emploi des deux teintes gris clair et blanc.

Mais le gris n’est jamais très loin avec la livrée retenue par l’US Navy faite de Light Gull Grey (ANA 620 / FS 16440) et de White Insignia (ANA 511 / FS 17925), malgré une tentative de livrée vert olive durant la guerre du Vietnam sur des Intruder, Phantom et autre Skyhawk ou Vigilante. Dans les années 1970, les forces aériennes américaines font leur révolution. Un homme y prend part : Keith Ferris. Laissons-lui la parole :
« If you're going to camouflage a plane in the first place, it makes sense to avoid conspicuous insignia and unit emblems. […] It's important to avoid symmetrical camouflage patterns. The whole idea is to deceive the eye, so that even when an enemy catches sight of you, he never can be sure what part of you he's looking at or how your plane is oriented in the sky. »[1]
Il participa ainsi à deux actions majeures de l’US Air Force en termes de camouflage à la fin des années 1970 : l’emploi systématique des marquages basse visibilité, y compris pour les cocardes et l’abandon de la livrée en deux tons de bleu envisagée pour le nouveau F-15 (pourtant toujours présente dans les documents officiels sous le nom « Air Superior Blue ») au profit d’une autre en deux tons de gris (FS 36320 / FS 36375). Il appliqua ses propres concepts à travers des livrées connues aujourd’hui sous le nom de Ferris Scheme, testées sur le F-4, le F-5, le F-14 ou encore le F-15. Aucune ne fut retenue, mais le faux cockpit, dans sa capacité à perturber la perception par l’adversaire de l'appareil qui en est revêtu, convainquit certaines forces armées. On le retrouve ainsi sous les A-10 américains, les CF-188 canadiens, les Mirage F1 espagnols, les MiG-29 slovaques, allemands sous les couleurs de la Luftwaffe ou hongrois, ainsi que leurs Gripen... et même sur un Mistubishi T-2 (69-5127) de la JASDF en version Aggressor !

CF-188 du 425th TFS des Forces royales canadiennes
McDonnell Douglas CF-188 du 425th TFS
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Comme dans beaucoup de ventes d’armes à l’exportation d’appareils américains, les F/A-18 canadiens ont conservé le Tactical Paint Scheme développé spécifiquement pour l’US Navy. La seule différence notable est donc la reproduction d’un faux cockpit sous le nez.
MiG-29 Fulcrum de la Magyar Légierő
MiG-29 Fulcrum de la Magyar Légierő
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Les MiG-29 magyars font partie de ces appareils modifiés au moment de l’entrée de leur pays dans l’OTAN. Mais force est de reconnaître que la livrée de supériorité aérienne soviétique était déjà peu colorée. La vraie différence est l’apparition des marquages en basse visibilité et ici, d'un faux cockpit. La Pologne a suivi le même processus, mais outre ses propres Fulcrum, ce sont des MiG-29 tchèques et est-allemands bariolés qui sont passés au gris...

Les marquages basse visibilité

La pratique du camouflage s’est longtemps heurtée à une contradiction en temps de guerre, face à tous les efforts faits pour rendre un avion le moins perceptible possible par l’adversaire, ceux-ci ont souvent été contrecarrés par la nécessité pour le même avion d’être parfaitement reconnaissable par son propre camp afin d’éviter les tirs amis. La conséquence en a été des marquages de nationalité de très grande taille particulièrement durant la Seconde Guerre mondiale chez les Anglais et les Américains, très – trop ? – nombreux dans le ciel de l’Europe.

balkenkreuz 1937-1940 1937-1940

Les Allemands qui employaient également de grandes croix noires durant la Première Guerre mondiale malgré un camouflage « Losange Tarnung » très efficace, optèrent naturellement pour le conflit suivant pour une logique de marquage basse visibilité bien perceptible avec l’évolution de leur Balkenkreuz : Avant la « divulgation » officielle de la Luftwaffe en 1936, les avions allemands n’arboraient qu’une immatriculation civile sur les ailes et le fuselage. La seule marque de nationalité se trouvait sur la dérive sous la forme s’une bande horizontale rouge marquée en son centre d’un cercle blanc contenant une svastika ou Hakenkreuz noire.

Groupe de Bf 109D au sol Crédit photographique : Bundesarchiv, Bild 101I-379-0015-18 / Rübelt / CC-BY-SA
balkenkreuz 1940-1942 1940-1942

Au printemps 1936, la Balkenkreuz est ajoutée comme marque de nationalité de la nouvelle Luftwaffe. À l’été, le cercle blanc et la bande rouge avaient disparu de la dérive. Ce nouvel insigne est une croix grecque noire délimitée par un liseré blanc doublé d’un liseré noir selon la couleur de fond du camouflage. Des raisons d’identification durant la campagne de Pologne en septembre 1939 imposèrent rapidement sur le terrain un accroissement de la taille de la Balkenkreuz du fuselage. Par la suite, si la taille n’évolua pas significativement, c’est l’épaisseur du liseré blanc qu’on a pu voir fluctuer.

deux Bf 110 en vol en formation Crédit photographique : Bundesarchiv, Bild 101I-659-6436-31 / Grosse, Helmut / CC-BY-SA
balkenkreuz 1941-1945 1941-1945

Dès 1941 avec les Bf 109F et confirmé sur les G, les Balkenkreuzen de l’extrados des ailes se vidèrent du noir et en 1944, toutes les Balkenkreuzen durent adopter cette modification avec pour remplissage la couleur du camouflage de l’arête dorsale prolongée sur le flanc. Toutefois, la réalité du terrain montra que le liseré conservé pouvait aussi bien être clair que foncé et aucune couleur de remplissage n’être étendue vers les flancs. Dans tous les cas, on obtenait effectivement un marquage à la visibilité moindre que la Balkenkreuz originale.

F4F Wildcat avec les marquages en vigueur au début du second conflit mondial : étoile blanche avec le rond rouge au centre et bandes rouges et blanches dur la dérive

Les Américains appliquèrent une double logique d’identification et de basse visibilité. Les atermoiements autour de la cocarde américaine ont ainsi duré pratiquement durant toute la guerre. Avant 1941, il s’agissait d’un cercle bleu avec une étoile blanche et un second cercle rouge en son centre. Dès mai 1942, le cercle rouge fut supprimé pour éviter toute confusion avec la cocarde japonaise. Puis à partir de juin 1943, une bande horizontale blanche vint orner les flancs du cercle étoilé et l’ensemble fut entouré d’un liseré rouge. En septembre, le rouge fut remplacé par du bleu. Finalement en janvier 1945, le bleu disparaît de la cocarde qui ne conserve que l’étoile blanche et les deux bandes blanches pour les avions déjà peints en bleu… Mais la cocarde conserve une dimension importante avec un diamètre pour le cercle dans lequel s’inscrit l’étoile blanche pouvant atteindre jusqu’à 40 pouces sur un chasseur (soit jusqu’à 101,60 cm). Il faut attendre l’apparition des Tactical et Land Paint Schemes pour voir le diamètre des cocardes limité à 12 pouces (30,48 cm) et leur conversion en marquages basse visibilité noir ou ton sur ton.

évolution de la cocarde américaine de 1926 à nos jours
Évolution de le cocarde américaine de 1926 à nos jours
De gauche à droite : (1) De 1926 à mai 1942,(2) de mai 1942 à juin 1943,(3) de juin 1943 à septembre 1943,(4) de septembre 1943 à 1945,(5) au-delà de 1945,(6) version basse visibilité utilisée à partir des années 1970 en parallèle de (5) en noir ou en ton sur ton selon la livrée.

Aujourd'hui, si les cocardes conservent leurs couleurs vives, leur taille est très largement réduite, choix de nombreux pays d'Europe – Italie, Belgique, Espagne... D'autre ont préféré délaver les couleurs comme les Anglais ou la Marine nationale en France. Même les Russes sur le prototype du PAK-FA proposent une étoile rouge évidée dont seul le lisérée rappelle la couleur rouge. Mais la pratique la plus répandue s'inspire du modèle américain : Canada, Suède, République tchèque, Hongrie, Afrique du Sud, Australie... tous utilisent des marquages de nationalité gris, en ton sur ton sur des livrées tout autant grises.

Mirage F1CT en livrée deux tons gris-bleu et vert « wraparound »
Dassault Mirage F1CT de l'E.C. 1/30 Alsace
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Livrée « wraparound » gris-bleu et vert
PU 66 C2610 - gris-bleu foncé PU 66 C2615 - gris-vert foncé
La livrée appliquée aux Mirage F1CT (pour Chasseur Tactique) reprend les couleurs de celle portée par les Mirage F1CR à la différence près que le premier arbore une livrée qui concerne l'ensemble de l'avion, tandis que le second a l'intrados peint en gris clair et le cône radar noir.
Cette différenciation se retrouve également dans la famille du Mirage 2000 où les couleurs retenues pour les Mirage 2000N et D sont les mêmes, si ce n'est donc que là aussi, le N a le ventre peint en gris (et le cône radar noir) alors que le D arbore une livrée « wraparound », son cône radar étant également vert.

Résistance

Dans les années 1970 aussi bien US Air Force qu’US Navy adoptent des livrées à dominante grise, les Tactical Paint Scheme pour l’US Navy – passée dans l’intervalle par une livrée intégralement grise en FS 16440 – et pour l’US Air Force, outre la livrée du F-15, le nouveau F-16 arbore une livrée communément désignée « Hill Grey I » (FS 36118/36270//36375). L’URSS adopte une livrée en deux tons de gris sur l’extrados de ses MiG-29 tandis que le Sukhoi Su-27 – pur appareil de supériorité aérienne – arbore une livrée en deux tons de bleu. Dans plusieurs pays, la couleur trouve toujours grâce afin de participer à la survivabilité de leurs avions. Il faut dire qu’il existe encore des appareils conçus spécifiquement pour leurs missions. Quand le Mirage 2000 est peint en deux tons de gris-bleu, le Mirage F1CR est en gris-bleu et vert. Quand le Tornado est encore un appareil d’attaque au sol, la RAF, l’Italie ou l’Arabie Saoudite le peignent en gris et vert pour les premiers, en livrée désertique pour la dernière.

F-16C en livrée European One
F-16C du 57th FW de l'US Air Force
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Livrée European One
FS 34092 FS 34102 FS 36081
Dans cette volonté permanente de mutualiser au maximum les équipements employés – avec plus ou moins de réussite : le F-111, le F-4 et aujourd'hui le F-35 –, à la fin des années 1980, l'armée américaine voulut trouver un successeur au A-10 vieillissant en transformant le F-16, devenant ainsi un A-16 ou un F/A-16... Pour ce faire, on monta donc un canon plus puissant sur le F-16 et on lui appliqua une livrée « European One », certes du plus bel effet, mais qui ne permit pas de limiter les vibrations induites par l'emploi du canon et donc son imprécision.
Projet avorté et aujourd'hui, le A-10 vole toujours avec, à la clé, un énième programme de renforcement de la cellule pour la faire durer encore un peu...

On doit noter que les F-4E et G, A-10 et d’autres appareils – hélicoptères compris – basés en Europe connaissent toutefois une livrée sombre et peu contrastée officiellement appelée cette fois « European One » en deux tons de vert FS 34092 (et jamais FS 34079) et FS 34102 et un ton de gris foncé FS 36081 ou FS 36118. Elle a été utilisée dès 1978 et jusqu’à la fin des années 1980, progressivement remplacée par une livrée surnommée « Hill Grey II » (FS 36270/ 36118) et également appliquée aux F-16 dans le même temps. Si la disposition des zones de couleurs diffère entre ces deux avions, afin de correspondre logiquement à leurs formes propres, il est intéressant de remarquer que pour les seuls Phantom II, cette livrée est souvent abusivement appelée « Egyptian One » – pourtant une livrée bien différente… – en contrepoint de la désignation European One. Ce changement est également valable pour les clients étrangers, comme la Turquie ou l'Egypte qui ont profité des grandes visites ou des chantiers de mise à niveau de leurs Phantom II pour abandonner progressivement la livrée SEA au profit de Hill Grey II...

Et maintenant…

D’une manière ou d’une autre et pour diverses raisons, de plus en plus de forces armées s’orientent vers des livrées grises. Petit constat non exhaustif :

L’avènement du F-16 au sein de l’OTAN importe la livrée Hill Grey dans toute l’Europe, ainsi que dans le reste du monde. Des vingt-cinq pays clients du F-16, seuls la Grèce, avec la livrée « Ghost » inspirée des Aggressors américains, les Émirats Arabes Unis – quoique... –, Israël, le Chili – pour ses block 50 uniquement – le Maroc, l'Indonésie ou le Venezuela opposent encore une farouche résistance.

Belgique Danemark Pays-bas Italie Norvège Portugal
F-16 belge

F-16AM Fighting Falcon de la Composante air belge

Livrés au début des années 1980 dans le cadre du marché du siècle, les Fighting Falcon belges ont conservé la livrée Hill Grey I alors en vigueur.
Lors de cette compétition organisée par l'OTAN dans les années 1970, le F-16 était opposé au YF-17 (futur F/A-18 de l'US Navy), au JA-37 Viggen suédois et au Mirage F1E.

F-16 danois

F-16AM de la Kongelige Danske Flyvevåbnet

Équipée peu de temps après la Belgique, on retrouve là-aussi la livrée Hill Grey I.

F-16 néerlandais

F-16AM de la Koninklijke Luchtmacht

La remise à niveau à mi-vie des F-16 européens (MLU pour Mid-Life Update) s'est très largement faite en Belgique chez la SABCA. Ces opérations n'ont pas induit de changement de livrée.

F-16 italien

F-16A/ADF de l'Aeronautica Militare Italiana

L'Italie ne devait pas recevoir de F-16, mais le retard pris par le programme Eurofighter lui imposa de trouver une solution temporaire pour remplacer ses F-104 Starfighter.
En louant des F-16 au gouvernement américain en 2001, elle profite de la livrée Hill Grey II non plus en trois tons de gris mais seulement deux.

F-16 norvégien

F-16AM de la Kongelige Norske Luftforsvaret

Bien que sa commande initiale se soit inscrite dans le cadre du marché du siècle, la Norvège se démarque des autres clients de cette compétition en n'ayant pas choisi la livrée « catalogue » du F-16. Les appareils norvégiens sont dans une livrée unie de gris FS 36270, le radôme reprenant cette teinte en semi-brillant et non en mat.

F-16 portugais

F-16AM de la Força Aerea Portuguesa

Acquis à partir de 1994, les F-16 portugais sont des appareils neufs (complétés par la suite par des appareils de seconde main prélevés sur les stocks de l'US Air Force). Leur livrée reste toutefois Hill Grey I en trois tons de gris.

Les avions récemment acquis – ou repeints – à travers le monde sont autant d'exemples qui attestent la prévalence du gris sur toute autre couleur : Les mirage F1 espagnols sont passés au gris intégral, les F-104S ASA-M italiens également, les Hongrois et les Polonais ont repeints leurs Fulcrum. Les appareils livrés neufs, Rafale, Typhoon, F-16, F/A-18 et autres futurs F-35 ne connaissent plus que le gris...

F-4F Phantom II de la Luftwaffe en livrée Norm 90

McDonnell Douglas F-4F Phantom II de la Luftwaffe ►

À la fin des annés 80, alors dans l’attente de l’Eurofighter qui sera... gris, la Luftwaffe renonce à la livrée Norm 81 pour la Norm 90 sur ses F-4F (également appliquée à des pauvres MiG-29 de l'ex-RDA bien plus colorés qui n’en demandaient pas tant).

Sukhoi Su-30MKI de la Bhartiya Vāyu Senā

◄ Sukhoi Su-30MKI de la Bhartiya Vāyu Senā

L’Inde et la Malaisie se fournissant en Russie – qui nous avait pourtant habitués à davantage de couleurs – adoptent une livrée grise intégrale (plus foncée pour la Malaisie) pour leurs Su-30MKI et MKM.

Eurofighter Typhoon de l'Österreichische Luftstreitkräfte

Eurofighter Typhoon de l'Österreichische Luftstreitkräfte ►

La recherche de furtivité et la rareté des peintures et autres revêtements idoines ont limité les couleurs disponibles au seul gris pour le Rafale, l’Eurofighter ou la famille de Lockheed-Martin F-22/F-35…

JAS-39C Gripen de la Flygvapnet

◄ JAS-39C Gripen de la Flygvapnet

La Flygvapnet a abandonné l'originale livrée forestière du Viggen pour les deux tons de gris du Gripen, qui se retrouvent chez ses clients à l’exportation (même grise, la livrée sud-africaine diffère toutefois ; mais en 2012, elle est le seul client extérieur de Saab avec la Thaïlande, Hongrie et Rép. tchèque se contentant de louer leurs appareils).

Et si Israël continue d'appliquer sa livrée désertique à ses appareils d'attaque comme les F-16I Sufa et F-15I Ra'am, l'Arabie Saoudite, qui possède déjà des F-15S Strike Eagle et prochainement des F-15SE pour Silent Eagle leur conserve la livrée catalogue américaine.
Et l'avenir pourrait-il se trouver dans un retour en arrière ? Souvenons-nous du Losange-Tarnung mis en œuvre par les Allemands, avec du bleu, du rose ou du violet, qui fait écho aujourd’hui à des formes de camouflages désormais appelés pixel ou numérique que l’on retrouve sur les tenues de combats américaines, et concernant les avions de combat, sur deux F/A-18 (un modèle C, BuNo 165188 de la VMFA-314, et un F, BuNo 165677 de la VFA-122), un MiG-29 slovaque (0921 c/n 2960535409/4715) et depuis peu, il semble que ce soit le choix éffectué par l'armée de l'Air ukrainienne, avec ce type de camouflage vu sur des MiG-29, Su-25 et 27 et L-39.

MiG-29 slovaque en livrée pixellisée grise Crédit photographique : Łukasz Golowanow pour Konflikty.pl via wikimedia.org

La seule source de demi-réjouissance dans ce monde terne est la persistance de la couleur dans nombre d'ex-républiques socialistes soviétiques comme l'Ukraine par exemple, le Turkménistan, le Kazakhstan, ou au-delà de l'ex-URSS, le Bangladesh ou la Birmanie, qui habillent leurs Flanker ou leurs Fulcrum de divers teintes de bleus parfois assez criardes. Quelques pays africains ou asiatiques continuent également d'appliquer de-ci, de-là quelques livrées désertiques ou tropicales...